Sur le thème de l’itinérance, l’Abbaye royale de l’Epau (aux portes du Mans) accueille, depuis le 1er juillet et jusqu’au 1er novembre, quatre photographes qui posent leurs regards sur le monde. Une exposition pour tous les publics dans le parc de l’Abbaye.
Nyani QUARMYNE – « We were once three miles from the sea » : A Totope, petit village de la cote ghanéenne, le sable est fin et l’eau est bleue et chaude – mais les habitants doivent faire face a la montée des eaux et à !’érosion.L’erosion cotiere et fluviale n’est pas un phénomène nouveau sur la cote du Ghana. Cependant, le rythme du changement s’est considérablement accéleré ces dernières années, emportant maisons et moyens de subsistance et, selon certains experts, préfigurant le sort de nombreuses capitales cotières de l’Afrique de l’Ouest à mesure que le niveau de la mer continue d’augmenter. Nyani Quarmyne, alors basé a Accra, est parti à la rencontre des habitants des villages de pêcheurs du sud du pays : celles et ceux qui, par manque de moyens, sont obligés d’abandonner leurs foyers avant qu’ils ne soient, inéluctablement, emportés par l’océan. Dans ce village, comme dans beaucoup d’autres villages des alentours, les habitants sont refugiés climatiques, à quelques mêtres seulement de leurs maisons. Une injustice car leur mode de vie simple n’en est pas responsable. Et ils n’ont littéralement nulle part où aller – coincés entre le lagon Songor, aux mains de sociétés privées, et les eaux à perte de vue du Golfe de Guinée. Le concept de changement climatique reste trop souvent abstrait, iilustré par des termes et des diagrammes scientifiques complexes et peu compréhensibles. Mais son sens reste vague. C’est ce qui donne leur pouvoir évocateur aces portraits d’hommes et de femmes au milieu des ruines de ce qui fut, ii n’y a pas si longtemps, leur maison.
A PROPOS DE NYANI QUARMYNE : Nyani Quarmyne est un photographe autodidacte qui se définit comme un« Africain hybride « , né en lnde d ‘un père ghanéen et d’une mère philippine et ayant vécu au Kenya, au Zimbabwe, au Swaziland, au Canada, en Australie, aux Etats- Unis, au Ghana. S’il vit aujourd’hui à Dusseldorf, en Allemagne, Nyani mène des missions à !’international pour une grande variété d’ONG, de sociétés et de clients éditoriaux. Ses travaux personnels reposent sur les traits communs qu’il voit en chacun de nous et l’ont conduit récemment a explorer !’expression de la foi sous toutes ses formes, les conditions de vie et les modalités de prise en charge des malades mentaux, ou encore la region du Sahel. Les photographies de Nyani Quarmyne a ete exposées en Australie, dans divers pays européens, en Amérique du Nord et en Afrique de l’Ouest. II a été lauréat du Prix de l’Union européenne aux Rencontres de Bamako Pan-African Photography Biennial et finaliste du Australian National Photographic Portrait Prize.
Erik JOHANSSON « Imagine » – Entre petits clins d’ceil insolites et réflexions profondes sur notre inconscient et nos perceptions, les photographies surréalistes de !’artiste suédois Erik Johansson, invitent a un voyage aux frontieres du reel. lnspirées de grands peintres surréailstes comme Magritte, Dali mais aussi par des auteurs de livres qui ont bercé son enfance tels que Sven Nordqvist et Elsa Beskow, ses créations donnent naissance à des images qui racontent des histoires et parlent aussi bien aux enfants qu’aux adultes. L’univers onirique du photographe développe un réalisme à la charnière du rêve, nous proposant ainsi une succession d’hallucinations visuelles. Son travail se déroule en trois temps : tout commence avec une idée, un concept, puis ii lui faut réunir le matériel photographique nécessaire (parfois jusqu’à une centaine de photographies sont nécessaires). Reste enfin à assembler les photographies à la manière d’un puzzle. lei le logiciel photoshop n’est plus seulement un outil mais un véritable mode d’expression à part entière.
A PROPOS D’ERIK JOHANSSON : Erik Johansson (né en 1985) est un artiste suédois base a Prague, en République tchèque. Erik travaille sur des projets personnels et sur commande partout dans le monde. Contrairement à la photographie traditionnelle, ii ne capture pas des moments, ii capture des idées à l’aide de son appareil photo et de son imagination. L’accent est ainsi mis sur l’histoire et le but est de rendre l’ceuvre aussi réaliste que possible même si la scène elle-même contient des éléments impossibles.
Fausto Podavini « Omo change » La vallee de l’Omo, dans le sud de l’Ethiopie, est l’un de ces endroits mythiques qui depuis longtemps, fascine photographes, voyageurs et aventuriers. Elle a d’ailleurs été classée au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1980. Cette zone compte environ 500 000 habitants qui travaillent principalement dans !’agriculture et l’élevage ovin et est habitée par différentes ethnies. Un sanctuaire perturbé, en 2008, par le projet de construction du barrage Gilgel Gibe Ill mené par le gouvernement éthiopien avec une entreprise italienne et des investisseurs étrangers. L’Ethiopie connait le développement économique et industriel le plus important de tout le continent africain. Entre 2014 et 2015, le PIB a augmenté de 10,6 %. Les projets de développement réalisés par le gouvernement et les investisseurs européens et chinois, changent rapidement l’aspect de ce pays, parfois au prix de bouleversements géographiques, culturels et écologiques majeurs. Le barrage Gilgel Gibe Ill ne fait pas exception. Cette structure de 240 metres de haut a doublé la production électrique de l’Ethiopie. lnauguré en 2016, ii a considerablement ralenti le courant de la rivière et empêché les crues annuelles, le niveau du fleuve Omo a baissé d’au moins 15 m, l’eau se salinise et les poissons meurent, perturbant ainsi la vie des fermiers, des éleveurs et des pêcheurs locaux. Les habitants ne peuvent plus irriguer les cultures, ni amener les bêtes paturer. Ce barrage hydroélectrique modifie surtout toutes les habitudes ancestrales des ethnies qui peuplaient ces forets. Une fois sa construction achevée, le gouvernement éthiopien a ensuite entrepris de louer des terres tribales a des entreprises privées pour la mise en place de plantations de sucre et de coton. Les tribus, elles, ont ete deplacees ou partent à la recherche de nouvelles terres. Les ONG travaillant sur place estiment que plus de 100 000 personnes sont affectées directement par ce barrage. Fausto Podavini a suivi pendant plus de six ans les conséquences, trop peu documentées, de !’apparition de ce barrage sur la région et ses habitants. En racontant l’histoire de Gilgel Gibe Ill, dans cette zone sensible entre le Kenya, le Sud-Soudan et le Kenya, Fausto Podavini illustre un problème plus large : celui de la disparition des peuples autochtones de la planète.
APROPOS DE FAUSTO PODAVINI : Fausto Podavini est né à Rome, où il vit et travaille actuellement. Après une formation technique et industrielle en électronique, ii a entrepris un cursus universitaire en ingeniérie. Durant toutes ces années, la photo était déjà présente dans sa vie. C’est en tant qu’assistant dans un studio photo, qu’il a appris à lire et à gérer la lumière. II se lance dans une carriere indépendante, travaillant avec diverses organisationsa but non lucratif. II réalise des reportages et des projets personnels en ltalie, au Perou, au Kenya et en Ethiopie. En 2009, ii entame une collaboration avec le collectif WSP, où il enseigne le photojournalisme. En ltalie, ii pose son regard sur la question du sport et du handicap, sur une prison pour mineurs et sur la maladie d ‘Alzheimer.
Emmanuel Sauvaitre « Le Monde de la Nuit » – « Passionné par la pêche à la mouche depuis mon enfance, la saison hivernale rnettait fin à cette pratique durant plusieurs mois. J’eus alors envie d’elargir mes horizons, en pleine nature. Lors d’une sortie en forêt, j’ai eu la chance de croiser le chemin de son roi, LE CERF. C’est à ce moment précis, qu’est née ma passion pour la photo animalière. D’année en année, j’ai arpenté les chemins forestiers dans l’espoir de le croiser à nouveau et d’immortaliser cette rencontre par la photo. Le bal des certs au mois de septembre, le brame, est un rendez-vous magique qui est devenu pour moi incontournable. Une autre rencontre, celle d’un photographe au festival international… au festival international de la photo animalière, va bouleverser mes orientations photographiques, ce dernier exposait sur une espèce mystique, la chouette effraie. Je suis tombé amoureux et décide d’approfondir mes connaissances sur cet oiseau nocturne. Habitant en pleine campagne, je construis un nichoir pour lui offrir un lieu de reproduction qu’elle acceptera quatre années plus tard. Ayant la chance, tous les ans de la revoir, je me suis intéressé à la prise de vue nocturne .. . C’est une pratique totalement différente de ce que je connaissais. II taut imaginer la photo dans son esprit avant même de l’avoir réalisée… Par des moyens techniques performants, photographier l’oiseau de nuit, devient alors possible. Ma première inquiétude était de les déranger. Après de longues observations, je confirme que l’oiseau s’est habitué à la présence du matériel. D’ailleurs, pour la petite anecdote, ii m’arrive de retirer le materiel car sa progéniture !’utilise comme perchoir .. . Comme quoi… Au fil du temps, j’ai élargi mes observations sur d ‘autres sujets tels que le renard, la fouine, la chouette hulotte. En découle cette exposition « LE MONDE DE LA NUIT « · Présenter cette faune si discrète, quasi invisible, est un honneur pour moi. Je me dois d’être témoin de cette nature si fragile. «